Comment traiter les troubles de dépendances et de toxicomanie en milieu de travail canadien
Environ 1 Canadien de plus de 14 ans sur 25 présente une dépendance ou un problème d’abus de substances. Cette statistique implique que la plupart des grandes entreprises au Canada rencontreront des problèmes liés à la dépendance ou à l’abus de substances et qu’elles ont tout intérêt mettre en place des stratégies pour y faire face.
Des facteurs professionnels peuvent augmenter les risques
Les facteurs professionnels énoncés ci-dessous peuvent augmenter la probabilité que des employés développent une dépendance ou un problème d’abus de substances. Les emplois présentant les attributs suivants sont connus pour engendrer davantage de problèmes de dépendance ou d’abus de substances que la moyenne :
- Très stressant, ennuyant, répétitif;
- Très fatiguant, nécessitant de longues heures de travail ou des horaires par période;
- Très peu satisfaisant ou offrant peu de perspectives d’évolution ou de promotion.
Il en va de même pour les lieux de travail où les employés se trouvent dans les situations suivantes :
- Isolation, supervision faible ou inexistante; environnement social négatif ou toxique;
- Alcool gratuit lors de réunions d’affaires ou une culture qui encourage la consommation d’alcool.
La dépendance et les problèmes d’abus de substances ont une incidence négative sur la productivité et sur la sécurité
Au Canada, le coût annuel de la perte de productivité due aux problèmes de dépendance et d’abus de substances est estimé à 11,8 milliards de dollars. En plus des coûts découlant de la perte de productivité des employés qui développent des problèmes de dépendance et d’abus de substances, il existe d’autres coûts, notamment ceux liés à l’absentéisme, au présentéisme, au roulement des employés, aux mesures disciplinaires et à la baisse de moral des employés.
Dans de nombreux cas, les employés présentant une dépendance ou un problème d’abus de substances peuvent se mettre en danger. Dans certains secteurs et environnements de travail, les employés présentant de tels problèmes peuvent même mettre en danger les autres employés. Pire encore, dans d’autres secteurs, c’est la sécurité des clients qui peut être mise en péril.
Les organisations canadiennes ont le devoir de subvenir aux besoins de leurs employés
Contrairement aux États-Unis, le Canada, à travers sa législation relative aux droits de l’homme, protège les employés en situation d’invalidité et considère les employés souffrant de dépendance ou de problèmes d’abus de substances comme entrant dans cette catégorie. En conséquence, les employeurs canadiens n’ont pas le droit de licencier facilement des employés qui développent une dépendance ou un problème d’abus de substances, comme cela arrive souvent aux États-Unis.
Au Canada, l’employeur a le devoir de subvenir aux besoins de ses employés, ce qui implique :
- Du temps libre pour suivre des programmes de traitement;
- Un accès aux programmes d’aide aux employés (PAE);
- La permission de prendre quelques jours de congés ou de convalescence pour se rétablir.
Il est bénéfique pour les organisations canadiennes de mettre en place des politiques globales axées sur les problèmes de dépendance et d’abus de substances
Les bienfaits sont nombreux pour les organisations canadiennes qui mettent en place des politiques globales efficaces visant les problèmes de dépendance et d’abus de substances, la plupart ont directement trait à l’augmentation de la productivité des employés et à la réduction des coûts de l’organisation :
- Amélioration de la performance et de la productivité des employés;
- Diminution de l’absentéisme;
- Amélioration des indicateurs de sécurité et réduction du nombre d’accidents du travail;
- Amélioration de la rétention du personnel et du roulement des employés;
- Diminution du coût des avantages sociaux;
- Amélioration de la santé physique, mentale et morale des employés
Comment élaborer et mettre en place une politique globale axée sur les problèmes de dépendance et d’abus de substances
Avant de commencer, effectuez des recherches pour vous assurer que vous comprenez comment les problèmes de dépendance et d’abus de substances influent sur votre organisation et sur ses employés. Renseignez-vous aussi sur les besoins des employés et les besoins organisationnels liés. Familiarisez-vous avec les lois du travail et les lois relatives aux droits de l’homme canadiennes applicables ainsi qu’avec les lois provinciales pouvant se rapporter à votre organisation.
Une politique globale sur les problèmes de dépendance et d’abus de substances est composée des huit parties suivantes :
- Énoncé de principes
- Communication sur la prévention
- Observations et recherche
- Services de soutien
- Retour au travail
- Non-conformité
- Évaluation et amélioration
- Exigences légales
# 1 RÉDIGEZ UN ÉNONCÉ DE PRINCIPES QUI DÉCRIT L’OBJECTIF DE VOTRE POLITIQUE ET SA PORTÉE
Un énoncé de principes définit les objectifs et la portée d’une politique. Il doit mentionner ce qui suit :
- La position de votre organisation sur la dépendance et les problèmes d’abus de substances;
- L’objet et les buts de la politique;
- Portée humaine : à qui s’applique la politique?;
- Portée temporelle et géographique : quand et où s’applique la politique?;
- Portée relative aux substances : à quelles substances (ou types de substances) s’applique cette politique?;
- Objectifs comportementaux : attentes, rôles, et responsabilités de tous les employés, des responsables et de la direction;
- Règles de sécurité : les obligations des employés et de l’organisation visent à maintenir un lieu de travail sécuritaire.
Avertissement : étant donné que votre politique doit respecter les dispositions du droit du travail, des droits de l’homme, ainsi que toute autre loi provinciale, nous vous conseillons de consulter un expert en droit avant de finaliser votre énoncé de principes.
#2 LA PRÉVENTION PAR LA FORMATION ET LA COMMUNICATION
Établissez un programme pour former vos employés dans les domaines suivants, concernant la dépendance et à l’abus de substances et concernant la politique en elle-même :
- L’importance d’un mode de vie sain et les effets nocifs des problèmes de dépendance et d’abus de substances;
- Les signes avant-coureurs que les employés doivent repérer, indiquant qu’ils (ou qu’un de leurs collègues) pourraient être en train de développer une dépendance ou un problème d’abus de substances;
- Les facteurs de risque au travail qui engendrent dépendance ou les problèmes d’abus de substances et les façons de gérer son stress sainement;
- L’objet de la politique, quelles lignes directrices doivent suivre les employés et quelles connaissances et ressources sont disponibles pour les aider?
MESSAGES CLÉS À METTRE EN AVANT
Il vaudra la peine de dédier des efforts supplémentaires (notamment en termes de créativité) dans la communication des messages suivants. Ils vous aideront à faire coïncider la culture et les normes de votre organisation avec la politique, incitant ainsi vos employés à se comporter en conséquence :
- Communiquez ces deux messages en même temps. Premièrement, l’organisation ne tolérera aucun impair impliquant une quelconque substance pendant les heures de travail. Deuxièmement, l’organisation fournit une structure de soutien de confiance pour les employés cherchant une aide pour leurs problèmes de dépendance et d’abus de substances.
- Mentionnez le fait que stigmatiser les employés souffrant de cette condition est blessant et contre-productif. Cela aidera à créer une culture et un environnement véritablement encourageants et dignes de confiance.
- Incitez vos employés à se faire aider dès qu’ils pensent être en passe de développer une dépendance ou un problème d’abus de substances.
#3 OBSERVATION ET RECHERCHE DE SIGNES AVANT-COUREURS
L’observation et les recherches augmentent le taux de détection des signes avant-coureurs. Grâce à cela, les coûts liés aux problèmes de dépendance ou d’abus de substances pour l’organisation sont réduits, de même que la durée et la difficulté de rétablissement pour les employés. Votre politique doit préciser qui est responsable de mener à bien ce travail d’observation et de recherche. Idéalement, elle doit également mentionner la formation requise pour exercer ces fonctions. Vous devez aussi déterminer quels comportement ou changement dans la performance d’un employé constituent une preuve valable que celui-ci souffre de dépendance ou d’un problème d’abus de substance.
Incluez des tests d’alcoolémie et de dépistage de drogues à votre discrétion
Une récente étude du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) souligne la faiblesse des allégations selon lesquelles les tests de dépistage réduisent les problèmes de dépendance ou d’abus de substances. Incluez des tests d’alcoolémie et de dépistage de drogues dans votre politique seulement si vous avez de bonnes raisons de croire que cela vous aidera à atteindre les objectifs visés par celle-ci.
Les test d’alcoolémie et de dépistage de drogues au Canada
Au Canada, les tests d’alcoolémie et de dépistage de drogues sont régis par les lois sur la santé et la sécurité et les lois relatives aux droits de l’homme, tant au niveau fédéral que provincial. Si votre politique inclut de tels tests, consultez des experts en droit pour vous assurer que vos procédures respectent toutes les lois applicables.
Lorsqu’un employé au Canada est soupçonné et dans le déni
Au Canada, lorsqu’il y a lieu de soupçonner qu’un employé souffre d’un problème de dépendance ou d’abus de substances, mais qu’il le nie, l’employeur a le « devoir légal d’enquêter. » Idéalement, vous devriez former les responsables de votre organisation sur les façons de s’acquitter de ce devoir.
Procédures d’enquête en cas de suspicion ou d’incidents
Lorsqu’un employeur soupçonne un employé ou en cas d’incident, une enquête peut avoir lieu. Votre procédure doit détailler comment déterminer lorsqu’une enquête est complète et comment décider qu’un complément d’enquête est nécessaire. Lorsqu’un complément d’enquête est nécessaire, il est souvent recommandé d’obtenir l’évaluation d’un médecin indépendant spécialisé dans les problèmes de dépendance et de santé au travail. Gardez à l’esprit que vous devez prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger la confidentialité des employés tout au long de l’enquête.
# 4 FOURNISSEZ UN SOUTIEN QUI RENFORCERA LES LIENS
Établissez une liste de tous les services de soutien que vous êtes en mesure de proposer aux employés tels que des programmes de formation, des contrôles médicaux préventifs, une aide psychologique, ou encore des programmes d’aide aux employés (PAE). En plus du détail de tous les services offerts, expliquez à vos employés comment ils peuvent y accéder. Enfin, pour chaque service, n’oubliez pas d’indiquer par quels moyens la confidentialité des clients est protégée.
Investir dans un soutien de haute qualité afin d’assurer de bons rendements
Fournir un soutien physique et mental à vos employés permet de détecter les signes avant-coureurs de dépendance ou de problèmes d’abus de substances. Si le soutien que vous fournissez est jugé réellement utile par vos employés, ils se sentiront généralement plus entourés et plus importants aux yeux de votre organisation. Un employé qui entretient une relation plus forte avec une entreprise et qui juge les services de soutien qu’elle propose utiles sera plus susceptible d’oser demander de l’aide lorsqu’il pensera souffrir de dépendance ou de problèmes d’abus de substances.
# 5 ASSUREZ-VOUS QUE LES EMPLOYÉS SOIENT SOUTENUS ET BIEN ACCUEILLIS À LEUR RETOUR AU TRAVAIL
Prévoyez comment les employés seront soutenus à leur retour au travail, après avoir suivi des traitements et s’être sortis de leurs problèmes de dépendance ou d’abus de substances. Gardez aussi en tête la gestion des risques pour l’organisation. Énumérez les conditions qu’un employé doit remplir avant de reprendre à travailler ainsi que celles que l’employé et l’organisation doivent remplir après son retour au travail. Par exemple, les conditions peuvent prévoir la participation de l’employé à des programmes de « retour au travail », le contrôle de sa performance ou encore des contrôles par des spécialistes de la dépendance.
Au canada, les employeurs ont le devoir de subvenir aux besoins des employés qui reprennent le travail
Étant donné que les employeurs canadiens ont le devoir de subvenir aux besoins des employés souffrant de problèmes de dépendance ou d’abus de substances, l’une des conditions essentielles pour toute organisation est de subvenir aux besoins des employés de retour au travail.
# 6 DÉFINISSEZ PRÉCISÉMENT LA NON-CONFORMITÉ ET SES CONSÉQUENCES
Pour que votre organisation puisse convenablement mettre en pratique votre politique, vous devez énumérer quelles sont les actions considérées comme des violations ainsi que les conséquences pour les personnes qui les commettent. Les violations peuvent comprendre la possession d’alcool ou de toute autre substance psychoactive au travail ou l’exercice de fonctions professionnelles sous l’emprise de telles substances.
# 7 PRÉVOYEZ DES ÉVALUATIONS RÉGULIÈRES DE LA POLITIQUE ET AMÉLIOREZ-LÀ CONTINUELLEMENT
Vous ne saurez pas si votre politique fonctionne ou non si vous ne l’évaluez pas régulièrement. Vous ne saurez donc pas non plus comment l’améliorer. Réalisez des évaluations de votre politique selon un calendrier; ne vous contentez pas de prendre des initiatives en réaction à des événements (par exemple, en réaction à un incident ou à un échec de la politique).
Utilisez les indicateurs adaptés
Assurez-vous que les indicateurs utilisés pour évaluer votre politique sont les bons outils pour évaluer l’avancée des objectifs de votre politique. Les indicateurs fréquemment utilisés comprennent les taux d’absentéisme, les taux d’utilisation des programmes d’aide aux employés, les taux d’incidents et les indicateurs de productivité des employés.
Répondez aux besoins des employés et considérez les évaluations indépendantes
Si cela est possible, réalisez des évaluations des besoins pour déterminer si votre politique répond efficacement à tous les besoins des employés actuels et à tous les besoins opérationnels. Vous pouvez également considérer quelles seraient les forces et faiblesses d’une évaluation réalisée par des consultants indépendants et dans quelle situation vous pourriez en avoir besoin.
Lorsque vous souhaitez modifier la politique, consultez tous les actionnaires
Lorsqu’une évaluation de politique indique qu’il existe des aspects à améliorer, vous devrez trouver des moyens d’y remédier. Consultez tous les actionnaires susceptibles de vous conseiller dans la recherche d’une solution adaptée. De plus, avant d’appliquer les changements à votre politique, consultez autant d’experts en droit que nécessaire afin de vous assurer que les changements que vous prévoyez ne vont à l’encontre d’aucune loi applicable.
# 8 GARDEZ EN TÊTE LES EXIGENCES JURIDIQUES
Il convient de rappeler que votre politique relative aux problèmes de dépendance ou d’abus de substances (y compris toutes les procédures et activités qu’elle comprend) doit respecter les lois du travail et les lois relatives aux droits de l’homme applicables. Au Canada, votre politique doit respecter les lois fédérales comme provinciales. Avant de mettre en place une nouvelle politique ou d’en amender une existante, consultez des experts en droit afin de vous assurer que celle-ci ne violera aucune loi applicable existante.
Instaurez votre politique de façon uniforme et authentique – Joignez le geste à la parole !
Afin que votre politique relative aux problèmes de dépendance ou d’abus de substances soit un succès, vous devez instaurer un climat de confiance, de bonne volonté et des relations plus solides avec vos employés, mais aussi adapter votre culture opérationnelle. Toute action ou tout comportement que vos employés jugeront peu fiable, égoïste ou hypocrite mettra sérieusement en danger le succès de votre politique. Par conséquent, il est d’une importance capitale que votre organisation mettre en œuvre la politique correctement, uniformément et aussi sérieusement que possible.
Tirez profit du potentiel de l’équipe de direction et assurez une gestion cohérente
Assurez-vous que l’engagement de la direction envers la politique soit visible et parfaitement cohérent. Idéalement, persuadez au moins un membre de l’équipe de direction de prendre publiquement le rôle de fervent défenseur de la politique. Assurez-vous que l’équipe de gestion et tout autre membre de l’organisation responsable de mettre en œuvre la politique connaissent ses objectifs et ses valeurs directrices.
Communiquez sans relâche avec vos employés
Comme souligné dans votre politique, la modification des comportements et l’évolution de la culture opérationnelle passent par la communication :
- Sensibilisez vos employés et partagez-leur vos connaissances;
- Dites non à la stigmatisation et à la discrimination;
- Améliorez la confiance des employés dans votre organisation et persuadez-les que votre politique est conçue pour leur bien;
- Enseignez à vos employés comment reconnaître les signes avant-coureurs de dépendance ou de problèmes d’abus de substances chez eux-mêmes et chez les autres;
- Incitez vos employés à chercher de l’aide auprès de votre organisation dès qu’ils pensent en avoir besoin.