Un premier répondant nous livre son expérience sur la gestion de la honte dans son métier
Chris Howe a pu se rétablir grâce à EHN Canada. Il nous livre son expérience sur la gestion de la honte dans son métier de premier répondant.
« Si je peux vous donner un conseil de carrière, c’est de ne jamais montrer votre faiblesse! Les faibles sont des victimes! »Ce sont les premières paroles prononcées par un pompier chevronné que j’ai rencontré lors de mon premier jour de travail au service des incendies. Je n’ai jamais rien entendu de plus terrifiant. J’avais plein de faiblesses et de secrets. La honte de demander de l’aide, de me montrer vulnérable ou d’admettre que j’avais un problème m’a longtemps freiné. Je travaille dans un environnement plutôt masculin où la majorité des hommes ont tendance à être dominants. En assistant à des tables rondes, j’ai compris que si je montrais ma réelle souffrance, on me considérerait comme quelqu’un de faible et d’incapable. Je me suis plié à cette règle pendant les sept premières années de ma carrière. Essayer de cacher ma dépendance à l’alcool et à la drogue et les troubles mentaux qui en découlent était devenu pour moi un combat quotidien. Devant mes collègues, je voulais me montrer capable de boire beaucoup, mais pas être un alcoolique.
Je ne sais pas pourquoi on admire un gros buveur, mais on méprise un alcoolique. Je ne pouvais plus me cacher derrière cette façade pour très longtemps. Par peur d’être rejeté, j’ai inventé un tissu de mensonges pour excuser mes absences et mes retards au travail et justifier pourquoi je venais sans être en état de travailler. Je ne pouvais plus supporter ma culpabilité, ma honte et mes remords par rapport à mes activités en dehors du travail. J’avais besoin d’aide! Je n’arrivais pas à changer mes habitudes ou mon hygiène de vie tout seul. Mais je n’avais personne à qui me confier. J’étais terrifié, pétrifié à l’idée de montrer ma vulnérabilité qui serait perçue comme de la faiblesse. Je ne savais pas du tout comment j’allais être traité au travail si j’admettais une quelconque faiblesse. Je pensais que personne ne me ferait confiance, que personne ne me respecterait, que personne ne m’aimerait. Je ne me doutais pas que c’était déjà le cas.
Mon monde s’est écroulé à plusieurs reprises, j’avais touché le fond et j’avais senti que c’était désormais une question de vie ou de mort pour moi. J’ai fini par demander de l’aide. Hésitant et humilié, j’ai craqué et j’ai pleuré devant un homme en le suppliant de m’aider à guérir et à reconstruire une vie meilleure. À ma grande surprise, c’était la chose la plus difficile que j’avais jamais faite, mais la dernière que j’ai eue à faire seul.
Avec l’aide de membres d’un programme de rétablissement et en étant entouré des services PAE, d’un psychologue, de médecins, de ma famille, de mes amis et, surtout, de mes collègues, j’ai réussi à totalement changer ma vie. Mon rétablissement m’a apporté un grand soulagement. J’ai compris qu’une fois qu’on montrait de l’humilité et qu’on demandait de l’aide, elle affluait en abondance. Mes collègues sont devenus mes amis. Ils m’ont montré de l’amour, du respect, de la patience et du soutien. Mes pairs et mes supérieurs ont commencé à me voir comme une nouvelle personne, une personne digne de confiance et qui mérite son poste. Désormais, je me rends compte qu’avoir montré ma vulnérabilité et mes faiblesses a été un tournant décisif dans ma vie et que mes faiblesses sont en réalité devenues mes plus grandes qualités. Il n’y a pas de honte à admettre ses erreurs. Il ne faut pas culpabiliser de montrer au monde sa vraie personne. Mon rétablissement est ce qu’il y a de plus précieux à mes yeux aujourd’hui. Tous les jours, je luttais contre la honte de demander de l’aide et de montrer mes faiblesses. Personne ne devrait souffrir en silence.