LE ROCHER DE SISYPHE
Le rocher de Sisyphe est une expression bien ancrée dans la langue française qui signifie « un travail difficile, toujours recommencé, interminable ». Elle provient de la mythologie grecque où Sisyphe, pour avoir trompé la mort, est condamné à pousser jusqu’au sommet d’une colline un lourd rocher qui en redescend chaque fois.
Albert Camus a publié un essai à ce sujet, le Mythe de Sisyphe, qui traite du caractère absurde de la vie, tel que ce rocher qui roule et retombe perpétuellement. La vie est un éternel recommencement. On se réveille le matin pour se coucher le soir tout en répétant les mêmes gestes. Camus s’interroge sur ce châtiment infligé à Sisyphe : si la vie est un éternel recommencement, est-il possible d’y trouver le bonheur ? Selon lui, il faut « imaginer Sisyphe heureux » car il trouve son bonheur dans l’accomplissement de la tâche qu’il entreprend et non pas dans sa signification.
Le dépendant cherche-t-il à fuir l’ennui de cet éternel recommencement? Sa dépendance lui permet-il de ne pas ressentir les douleurs physiques et psychiques reliées au roulement incessant de son rocher?
L’intoxication due à l’alcool, les drogues et les médicaments, et même les dépendances sans substance psychoative comme la dépendance affective, permettent de rouler momentanément son rocher de la vie sans souffrir des émotions négatives qui lui sont liées.
Or, imaginez-vous littéralement en train de gravir la montagne complètement intoxiqué. Seriez-vous en mesure de monter de façon appropriée votre rocher? Peut-être vous arrêterez-vous pour rire de façon hystérique ou pour pleurer. Une chose est certaine : vous ne pourrez pas à long terme concourir avec les autres qui ne sont pas intoxiqués.
La fatigue submergera toutes les parties de votre corps, vous serez progressivement à bout de souffle, vous ne saurez plus différencier le haut du bas, la droite de la gauche, et enfin, vous laisserez tomber votre rocher. Celui-ci redescendra de la colline, alors que vous resterez hébété où vous étiez.
Ne plus pouvoir pousser son rocher revient à ne plus pouvoir fonctionner normalement : ne plus pouvoir travailler, bien dormir, gagner un salaire permettant de bien vivre, de bien manger, etc. C’est une situation de crise où l’on se sent démuni, prêt à crier à l’aide. Une seule avenue est alors possible : admettre son impuissance devant la situation et accepter l’aide qui vous sera offerte.
Recommencer n’est pas facile, soit, mais le fait de toujours devoir recommencer rend, étrangement, la tâche beaucoup plus efficace. Le chemin le moins fréquenté devient rapidement le plus emprunté! De plus, selon l’étymologie du mot recommencement, « recommencement » est l’action de commencer de nouveau. En d’autres termes, chaque « commencement » constitue un « renouvellement », un « nouveau départ »!
S’il vous est trop difficile d’imaginer Sisyphe heureux en train de rouler perpétuellement son rocher, regardez autour de vous, à la clinique. Nous avons tous un rocher à rouler, il y en a qui le font en souriant, qui semblent sereins, prenez-les comme modèles.