Perdre un ami de longue date à cause d’une surdose d’opioïdes
Écrit par Chris Howe.
Pendant mes années à l’école secondaire, je recherchais constamment de nouvelles personnes avec qui boire et me droguer. J’ai rencontré Steve à une fête chez un ami commun. Nous semblions avoir la même obsession pour la drogue et l’alcool, bien qu’à l’époque, je n’avais pas conscience qu’il s’agissait d’une obsession. Nous sommes rapidement devenus amis. Nous passions de plus en plus de temps à fêter, à boire et à prendre de la drogue tous les deux. Au début, on le faisait principalement pour l’aspect social, on voulait rencontrer des filles! Nous buvions beaucoup et consommions de la cocaïne assez régulièrement. Quand nous fêtions ensemble, je me sentais dans mon élément. Nous nous comprenions, nous étions toujours dans le même état d’esprit. C’était une camaraderie unique, différente des relations que j’avais avec mes autres amis. Notre seul intérêt l’un envers l’autre était d’avoir quelqu’un avec qui poursuivre la fête.
Après quelques mois, nous nous sommes retrouvés à côtoyer des personnes complètement différentes et nous n’avions presque plus de contact avec nos anciens amis. Nous consommions des drogues de plus en plus fréquemment et en plus grande quantité. Nous avons commencé à consommer des drogues injectables ensemble. Parce que nous le faisions tous les deux, ça nous semblait correct! Au fil du temps, Steve s’est penché de plus en plus vers les opiacés et moi vers les stimulants. Cela nous a poussés à nous tourner vers différents groupes d’amis. Nous avions encore contact, mais nous ne nous voyions plus que rarement. Les années sont passées et nous nous croisions par hasard de temps en temps. Nous passions alors des soirées à fêter et consommer en nous remémorant le passé.
Des années plus tard, j’ai arrêté de consommer de la drogue et ai commencé une nouvelle vie, en rétablissement. Je passais le plus clair de mon temps avec mon parrain et un réseau d’autres toxicomanes et alcooliques en rétablissement. Je me suis éloigné du monde dans lequel je vivais auparavant. Je n’avais donc plus aucun contact avec les personnes avec qui je prenais des drogues. Curieusement, j’ai commencé à croiser Steve beaucoup plus souvent que les années précédentes. Sa dépendance avait progressé et je le reconnaissais à peine. À chaque fois, je parlais avec lui, je lui racontais mon rétablissement et l’évolution de ma vie. Il semblait intéressé, mais son regard inquiétant indiquait qu’il ne se sentait pas prêt à arrêter.
À chaque fois que nous nous croisions, je remarquais que Steve semblait plus mal en point que la fois précédente. Un jour, il a fini par me dire qu’il voulait cesser de consommer de la drogue et se rétablir. Il m’a dit qu’il participait au programme de traitement à la méthadone, mais qu’il continuait à consommer des drogues. Il voulait aller à une réunion d’un groupe de soutien, mais il ne voulait pas y aller seul. Bien sûr, j’ai accepté d’aller le chercher et de l’emmener à sa première réunion. J’avais l’impression d’avoir enfin retrouvé mon ami. Peut-être que je pourrais profiter de mon rétablissement avec lui. J’étais très optimiste, plein d’espoir et prêt à faire tout mon possible pour l’aider à se rétablir. Je voulais qu’il se rende compte qu’il n’était plus obligé de vivre ainsi et que la vie en rétablissement méritait d’être vécue!
Quand j’ai appelé Steve le soir de la réunion, il n’a pas répondu. J’étais inquiet, mais j’ai décidé d’aller le chercher chez lui, comme prévu. Les lumières étaient éteintes, les rideaux étaient fermés et personne n’a ouvert la porte. J’ai sonné à la porte plusieurs fois, espérant qu’il était endormi et avait juste besoin d’être réveillé. Pas de réponse.
J’ai décidé d’aller à la réunion quand même en pensant que Steve s’excuserait, le soir même ou le lendemain. Mais je n’ai pas eu de ses nouvelles. Les mois défilaient et je m’inquiétais pour lui tous les jours. Je me demandais ce qui lui avait fait changer d’avis sur la réunion et s’il parviendrait un jour à trouver la voie du rétablissement. Steve finit par m’envoyer un courriel. Le message disait qu’il était gêné, honteux, et qu’il avait le sentiment de m’avoir laissé tomber en n’allant pas à la réunion. Je lui ai répondu qu’il ne m’avait pas laissé tomber, que ma porte lui était toujours ouverte et que pourrais aller le chercher pour l’emmener à une réunion quand il le voudrait. Je lui ai dit qu’il n’y avait aucune honte à avoir peur du rétablissement, que moi aussi j’avais eu peur au début, que je comprenais ce qu’il sentait. J’espérais qu’il m’appellerait et me demanderait d’aller à une autre réunion. Mais Steve ne m’a jamais appelé, ni répondu à mes courriels, ni pris mes appels.
Je pensais souvent à mon vieil ami Steve. Je me demandais comment il allait, s’il trouvait un soulagement à sa dépendance. Je suis pompier et dans mon travail, je réponds à de nombreux appels médicaux pour intervenir dans des cas de surdose. Un après-midi de juillet, nous sommes intervenus à une adresse que je n’ai pas reconnue. L’homme était inconscient. Quand nous sommes arrivés à la maison, des gens nous pointaient le sous-sol. Les yeux vitreux, ils avaient l’air effrayés et sous le choc. À ce moment-là, j’ai compris que nous allions intervenir dans une situation « d’absence de signes vitaux ». Nous sommes descendus dans le sous-sol et avons trouvé un homme adulte à terre, visiblement décédé depuis plusieurs heures. Près de lui, il y avait une seringue et des petits sachets. J’ai toujours beaucoup de peine lorsque j’interviens sur une mort par surdose. Mais celle-ci était différente. Au début, je ne l’ai pas reconnu. Mais quand j’ai regardé de plus près… j’ai reconnu mon vieil ami Steve. J’avais la réponse à mes questions. C’était déchirant. J’ai ressenti des émotions que je n’avais jamais ressenties au travail. C’était trop personnel.
Pour la première fois depuis que j’étais en rétablissement, j’ai douté de moi-même. Avais-je fait tout mon possible? Aurais-je pu en faire plus? Steve serait-il toujours en vie si je m’étais montré plus insistant?
J’ai appelé mon programme d’assistance aux employés et je me suis lancé dans un processus de verbalisation et d’auto-analyse. J’ai parlé à de nombreuses personnes en qui j’avais confiance, en rétablissement ou non, au sujet des circonstances de la mort de Steve. Quand je dormais, j’en avais des cauchemars. La journée, je ne pouvais pas sortir ces images de mon esprit. Je sentais que je l’avais laissé tomber et que j’étais en partie responsable de sa mort.
Après quelques mois passés à décortiquer et exprimer tous les aspects de la situation, j’ai enfin trouvé un peu de paix. J’ai réalisé et accepté que j’avais fait tout ce qu’une personne en rétablissement est censée faire : j’avais raconté mon histoire, j’avais agi en exemple et j’avais tenu parole. Les cauchemars sont devenus moins fréquents et j’ai finalement pu accepter ce qui s’était passé.
Aujourd’hui, je réalise que chaque fois que j’interviens sur une situation similaire, je vois une partie de moi dans la personne qui n’a pas survécu. C’est pour moi un rappel de ce qui attend les personnes dépendantes à l’alcool ou la drogue : la prison, l’hôpital ou la mort. L’histoire de Steve me le rappelle constamment. Et chaque jour, cette histoire se répète. Les drogues et l’alcool tuent les personnes dépendantes à un rythme effarant.
Si je pouvais faire passer un message à tous ceux qui souffrent d’une dépendance, je leur dirais : « Vous n’avez pas besoin de vivre ainsi! ». L’aide dont vous avez besoin pour vous rétablir existe et elle est disponible! L’unique chose que vous devez faire seul, c’est la demander.
Nous pouvons vous aider
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez avez besoin d’aide ou si vous avez d’autres questions, veuillez nous appeler. Nos lignes téléphoniques sont ouvertes 24 h/24, 7 j/7. Vous pouvez donc nous appeler n’importe quand au numéro suivant: 1-888-488-2611.