Permission de guérir, accordée : L’histoire d’un ancien combattant
Né à Comox Valley, en Colombie-Britannique, Alec qualifie son enfance de « bonne ». Vers l’âge de six ans, il se souvient d’avoir perdu la vue de son œil droit. Ses parents l’ont emmené chez le médecin, qui n’a rien trouvé. L’ophtalmologiste a déclaré qu’il ne s’agissait que d’une phase et qu’Alec avait probablement besoin de lunettes.
Pendant les six années suivantes, Alec ne voyait pas de son œil droit. Tout le monde pensait qu’il simulait sa perte de vue et il a développé une réputation de menteur. En sixième année, Alec a commencé à ressentir une douleur intense au talon droit. Ses parents l’ont emmené chez le médecin, où il a passé une radiographie. Les analyses n’ont rien montré de spécial. Le médecin a déclaré qu’Alec avait une ecchymose à l’os qui se résorberait d’elle-même. Mais cela ne s’est jamais produit. La douleur a empiré. Rapidement, Alec a commencé à boiter, sauf sur la patinoire où il jouait au hockey. Il a alors remarqué que, sans savoir pourquoi, il pouvait faire du patin presque sans douleur, tandis que marcher était extrêmement douloureux.
Plus de tests, notamment sanguins, ont révélé qu’Alec souffrait d’une infection au staphylocoque et d’une ostéomyélite, une infection osseuse douloureuse. Alec a été admis à l’hôpital et y a vécu pendant six mois. À sa sortie, il était dans un fauteuil roulant. Il a ensuite eu des béquilles, et enfin une canne. Ses camarades de classe de sixième année le surnommaient le gars avec la canne.
Alex ne voyait toujours pas de son œil droit, ses parents l’ont donc emmené voir un ophtalmologiste à Nanaimo. Il se souvient que le spécialiste a longtemps observé son œil avant de dire qu’il devait aller à l’hôpital pour enfants de Vancouver, en Colombie-Britannique.
À l’hôpital pour enfants, Alec a consulté un autre spécialiste de la vue qui a conclu qu’il avait une rétine détachée et devait subir une intervention chirurgicale d’urgence. Une boucle sclérale a été cousue à son œil droit pour réparer sa rétine. Elle est toujours en place aujourd’hui.
Ses problèmes médicaux apparemment derrière lui, Alec s’est lancé dans le hockey. Il était un bon joueur et le capitaine de son équipe, mais il avouait ne jamais s’amuser. Pour Alec, le hockey était un travail, une autre façon de faire ses preuves. Puis le destin lui a joué un nouveau tour. Il a commencé à ressentir un poids lourd, semblable à du brouillard, chaque fois qu’il jouait au hockey.
Alec ne savait pas qu’il s’agissait de crises de panique. Il pensait que c’était une tumeur au cerveau et qu’il était en train de mourir, mais il n’en a jamais parlé à personne et la vie a continué. En vieillissant, Alec a découvert la marijuana et l’alcool. Il avait toujours rêvé d’être dans l’armée. À l’âge de 18 ans, Alec a subi une chirurgie laser à l’œil et a rejoint l’armée. Il a rejoint le corps de transmissions. Il voulait sauter des avions et être parachuté à des endroits dangereux. En juillet 2008, Alec s’est rendu à Saint-Jean, au Québec, pour suivre un programme de formation de 13 semaines.
Quand Alec a terminé sa formation de base, il se tenait droit, fier. Il avait retrouvé son identité.
En 2009, il s’est rendu à Kingston, en Ontario, pour suivre une formation de NQ3. Il a terminé deuxième de son parcours, mais pour Alec, la deuxième place ne suffisait pas. À cette période, sa consommation d’alcool avait augmenté. Il a été affecté à Edmonton, en Alberta, et a rejoint une unité active.
Alec a alors commencé à consommer des drogues plus dures. Il voulait tout essayer une fois. Fin 2010, Alec a été mis en préparation au déploiement pour la prochaine force opérationnelle en Afghanistan. Il avait la réputation d’être un travailleur acharné, doté de qualités de leadership, et son sergent l’aimait bien. Il travaillait dur pendant la semaine et il buvait et consommait de la cocaïne le week-end. En avril 2011, Alec a été déployé en Afghanistan avec la Rotation 11 de la Force opérationnelle, où il y est resté sept mois.
Quand Alec est rentré d’Afghanistan chez lui, il s’est senti comme un enfant caché dans un coin. Quand quelqu’un criait, Alec se recroquevillait.
Le sentiment qu’Alec éprouvait au hockey était revenu. Mais cette fois, bien plus intensément. Il ne supportait plus la foule. Les bruits forts lui faisaient peur. Alec n’avait pas l’impression d’en avoir assez fait en Afghanistan. Il ne pouvait pas dormir sans boire d’abord toute une bouteille de rhum. Puis, il a commencé à penser au suicide.
Six mois après son retour d’Afghanistan, Alec a consulté son médecin. Cette dernière lui a indiqué qu’il était sujet à des crises de panique. Elle lui a confié que quitter l’armée ne ferait peut-être pas diminuer son trouble panique. Mais Alec a quand même décidé de prendre sa retraite. Il a passé les six années suivantes à boire, à se droguer et à déménager souvent. Lorsque sa fiancée l’a quitté, il vivait à Comox, en Colombie-Britannique, et travaillait dans le secteur de la construction. Alec se sentait vraiment mal et pensait constamment au suicide. C’est alors qu’il a décidé de demander de l’aide.
Alec a appelé la ligne d’assistance téléphonique pour anciens combattants. Il a été assigné à un gestionnaire de cas et est entré dans un programme de réadaptation. Alec n’avait pas réalisé qu’il lui faudrait être sobre, il a donc quitté le programme des anciens combattants pour s’installer en Alberta, où il a commencé à travailler avec son oncle.
Avec le recul, il réalise que déménager n’était pas une bonne décision. Avec son oncle, ils buvaient tous les deux beaucoup. Alec a passé une semaine dans un service psychiatrique. Sa famille n’a plus eu de nouvelles de lui pendant des mois et il pensait constamment au suicide. En janvier 2018, son oncle s’est suicidé. C’est Alec qui l’a trouvé sur sa propriété.
Sa santé mentale a continué à se détériorer et il a de nouveau contacté le ministère des Anciens Combattants. Il a reçu des diagnostics de trouble de stress post-traumatique, de trouble obsessionnel compulsif, de dépression entraînant des idéations de suicide et de trouble d’anxiété généralisé.
Le 3 décembre 2018, Alec a été admis dans le Programme concomitant traumatisme et dépendances (PCTD) de la clinique Edgewood d’EHN Canada à Nanaimo, en Colombie-Britannique. Alec pensait qu’il allait apprendre à modérer sa consommation d’alcool et de drogues. Il comptait cesser de consommer de la drogue et de l’alcool pendant un an, puis continuer à en consommer dans le contexte social.
Cependant, le PCTD a changé sa vie et Alec n’a jamais repris ses anciennes habitudes. Il a alors eu la vie qu’il avait toujours rêvé d’avoir. Alec a noué des liens étroits avec d’autres premiers intervenants, aux côtés de qui il a découvert l’honnêteté et le respect, comme une famille.
Lorsque la conscience morale d’un ancien combattant est endommagée, il peut être difficile de trouver la paix. Cependant, le PCTD a fourni à Alec de nouveaux outils, tels que la pleine conscience, qui lui ont appris à vivre le moment présent. Il a suivi le programme de soins prolongés, où il a continué à tisser des liens avec les personnes en rétablissement. Chaque semaine, Alec assiste à cinq réunions en 12 étapes et fait du bénévolat pour le PCTD. Il retire un grand sentiment de joie et de détermination en aidant des personnes comme lui. Alec a récemment postulé à la Vancouver Island University pour obtenir un diplôme en travail social. Son objectif est d’obtenir une maîtrise et de conseiller les autres premiers intervenants.
Le 27 novembre 2019, Alec célébrera le premier anniversaire de son rétablissement. Le traitement du traumatisme qu’il a reçu, auprès d’hommes et de femmes ayant vécu des expériences similaires, lui a été extrêmement bénéfique. Il dit que les civils qui n’ont pas vécu ce type de traumatisme ont du mal à comprendre la véritable profondeur de l’angoisse d’un premier intervenant. Lorsqu’il parle avec ses pairs, des personnes qui risquent leur vie pour la sécurité des autres, Alec peut être complètement honnête.
Il attribue sa réussite au personnel du PCTD et à ses pairs chez Edgewood. Ces gens l’ont aidé à comprendre qu’il n’était pas responsable des événements traumatisants de sa vie. À la fin de notre entretien, Alec sourit en remarquant qu’à son arrivée à Edgewood, il pensait que tout le monde faisait semblant. Il se demandait pourquoi les gens étaient heureux d’être en désintoxication.
Aujourd’hui, c’est Alec qui sourit. Il ne veut pas mettre fin à sa vie. Au contraire, il la croque à pleines dents. Il est vraiment heureux et brise les chaînes de la dépendance et des traumatismes. Alec continue de faire de grands progrès et espère un nouvel avenir prometteur.