La dépendance sexuelle : Peut-on abuser d’une bonne chose?
Pendant longtemps, les experts ne disposaient pas d’une définition et de critères diagnostiques valides de la dépendance sexuelle. Autrefois, les définitions et critères diagnostiques représentaient des normes culturelles oppressives relatives à la sexualité, ou bien ils étaient vagues, peu précis et laissaient trop de place à l’interprétation subjective. Les normes culturelles, oppressives ou non, ne constituent pas des bases valables pour des critères diagnostiques, car elles ne s’appuient pas sur des fondements scientifiques. La définition de « trop de sexe » a beaucoup varié au cours de l’histoire, et varie encore selon les pays du monde, mais aucune de ces définitions n’est soutenue par des preuves scientifiques.
Cet extrait du livre Nymphomania : A History donne un exemple historique du problème du diagnostic de la dépendance sexuelle basé sur des normes culturelles :
À l’époque victorienne, les médecins comme les patients en quête d’une aide médicale croyaient que chez la femme, un fort désir sexuel constituait un symptôme de maladie. La maîtrise de soi et la modération étaient indispensables à la santé des hommes et des femmes. Toutefois, l’appétit sexuel des femmes étant considéré comme plus faible, tout signe d’excès pouvait indiquer qu’elle était en proie à un trouble sexuel.
Cet autre extrait de Nymphomania : A History, illustre à quel point la compréhension de l’étiologie de la « nymphomanie » des médecins de l’époque victorienne était absurde et fondée sur des préjugés culturels :
Certaines activités telles que manger des aliments gras, consommer trop de chocolat, ressasser des pensées impures, lire des romans ou se masturber stimulaient trop intensément les délicates fibres nerveuses des femmes et conduisaient à la nymphomanie.
Il est intéressant de noter qu’à l’époque victorienne, l’équivalent de la nymphomanie chez les hommes, le « satyriasis », existait dans les livres de médecine, mais ne fut presque jamais diagnostiqué en réalité, car on considérait que ressentir trop de désir sexuel n’était pas un réel problème pour un homme. Heureusement, la science comme la culture ont évolué depuis cette époque. Nous sommes désormais capables de comprendre la dépendance sexuelle dans des termes plus pratiques et moins sexistes.
Définition et diagnostic de la dépendance sexuelle fondés sur des preuves
En nous efforçant de minimiser les préjugés culturels, nous pouvons définir et diagnostiquer la dépendance sexuelle selon des preuves. Pour déterminer si le comportement sexuel d’une personne est problématique, il est important de découvrir si ce dernier a de réels effets négatifs. Cette approche est la plus efficace pour identifier les comportements sexuels réellement problématiques et elle offre une base pour créer des programmes de traitement efficaces pour les personnes souffrant de ces problèmes.
Critère requis : conséquences négatives ou mise en danger
Pour identifier la dépendance sexuelle chez une personne, le critère indispensable repose sur le fait que son comportement sexuel engendre des conséquences réellement négatives ou dangereuses, d’une ou de plusieurs des façons suivantes :
- Blessures physiques ou dommages psychologiques pour la personne ou ses partenaires sexuels
- Mise en danger de la santé ou de la sécurité de la personne ou de ses partenaires (surtout à l’insu ou sans le consentement des partenaires)
- Déficience fonctionnelle dans un domaine important de la vie tel que la santé, les relations, la famille, le travail, l’éducation, etc.
Autres signes de dépendance sexuelle : perte de contrôle, fréquence, objectif qui empiète sur le reste de la vie, régulation de l’humeur.
Les traits suivants peuvent indiquer une dépendance sexuelle lorsqu’ils ont des conséquences négatives ou dangereuses :
- Pulsions sexuelles irrésistibles ou incontrôlables
- Comportements sexuels fréquents ou répétitifs
- Incapacité à réduire ou arrêter les comportements sexuels
- Le sexe devient l’élément central de la vie de la personne, au point qu’elle néglige d’autres domaines importants tels que sa santé, ses relations, sa famille, son emploi, ses études, etc.
- Besoin grandissant d’expériences sexuelles fréquentes, intenses ou variées
- Le sexe est utilisé pour réguler l’humeur ou les émotions, ou bien en réponse au stress
Les « autres signes » seuls sont trop subjectifs pour suffire au diagnostic
L’incapacité à contrôler, réduire ou cesser un comportement sexuel constitue seulement un signe de dépendance lorsque la personne reconnaît que son comportement a des conséquences négatives ou est trop dangereux. De même, la fréquence ou la répétition excessive de comportements sexuels ou une focalisation excessive sur le sexe ne peuvent constituer des signes de dépendance que lorsque l’individu reconnaît les conséquences négatives ou les dangers de ces comportements. Sans cela, la notion d’excès n’est que culturelle et donc subjective. Il est également important de noter que, pour ces mêmes raisons, avoir des pratiques sexuelles que d’autres trouvent offensantes ou perturbantes n’indique pas en soi une dépendance sexuelle.
Quel est le trouble sous-jacent?
Les experts s’accordent largement à dire que les comportements problématiques et incontrôlables liés à la dépendance sexuelle sont généralement causés par un trouble de santé mentale sous-jacent. Ils ne s’entendent pas sur le trouble qui en est le plus souvent la cause, mais voici une liste de possibilités :
- L’anxiété
- L’attachement
- La bipolarité
- La dépression
- Le contrôle des pulsions
- Les hormones (principalement biologique, pas psychosocial)
- L’obsession compulsive
Par conséquent, aucun processus standard n’existe pour traiter la dépendance sexuelle.
Comprendre la dépendance sexuelle comme un trouble de l’attachement
À EHN Nouveau Départ Montréal, nous diagnostiquons des troubles de l’attachement sous-jacents chez presque tous nos patients venus traiter une dépendance sexuelle. Notre expérience nous a prouvé qu’il est essentiel de traiter le trouble de l’attachement pour que le patient surmonte sa dépendance sexuelle, retrouve le contrôle de son comportement sexuel ainsi que des relations intimes saines et satisfaisantes.
Chez les adultes, les troubles de l’attachement causent des problèmes dans les relations intimes, qui peuvent notamment impliquer :
- Inconfort ou anxiété dans l’intimité
- Recherche excessive ou insuffisante d’intimité, de validation ou de réponse de la part de ses partenaires
- Dépendance ou indépendance excessive envers ses partenaires
- Difficultés à faire confiance à ses partenaires
- Opinion négative de soi ou de ses partenaires
- Suppression de ses émotions
Ainsi, nous comprenons que la dépendance sexuelle est un trouble relationnel et de l’intimité. Cette compréhension guide notre approche pour la conception des programmes de traitement les plus efficaces possibles visant à aider les patients à vaincre la dépendance sexuelle.
Interaction avec les troubles de l’utilisation de substance
La dépendance sexuelle et les troubles de l’utilisation de substance simultanés peuvent interagir de diverses façons, notamment les suivantes :
- « L’alternance » : schéma selon lequel une personne alterne entre deux dépendances.
- « La désinhibition » : lorsqu’une dépendance désinhibe la personne, permettant aux comportements problématiques liés à une autre dépendance de survenir. Par exemple, lorsque la consommation d’alcool désinhibe une personne au point qu’elle ait des relations sexuelles non protégées.
- « L’intensification » : situation dans laquelle les comportements liés à deux dépendances surviennent en même temps afin de créer une expérience encore plus intense. Par exemple, lorsqu’une personne consomme de la méthamphétamine pour intensifier l’expérience d’avoir des relations sexuelles avec des inconnus.
- « Le masque » : lorsqu’une dépendance est utilisée pour cacher ou nier l’existence d’une autre dépendance. Par exemple, lorsqu’une personne réfute sa dépendance sexuelle en expliquant que ses comportements sexuels problématiques n’ont lieu que lorsqu’elle se trouve sous l’influence d’une drogue.
- « L’anesthésie » : lorsqu’une dépendance est utilisée pour soulager le sentiment de honte causé par une autre dépendance. Par exemple, lorsqu’une personne consomme des benzodiazépines pour anesthésier la honte causée par sa dépendance sexuelle.
À EHN Nouveau Départ Montréal, nous estimons qu’il est essentiel de comprendre comment la dépendance sexuelle de chaque patient interagit avec un éventuel trouble de l’utilisation de substance. Nous traitons ces interactions à l’aide des programmes de traitement individuels conçus pour chaque patient. Cette approche nous permet de concevoir le programme de traitement le plus efficace pour chacun de nos patients.
Programmes de traitement de la dépendance sexuelle
Les patients sont admis dans nos programmes de traitement suite à une évaluation des conséquences négatives de leurs comportements sexuels et de leur persistance à prendre part à ces pratiques. Nous nous attendons à ce qu’en général, ce comportement sexuel problématique soit causé par un trouble sous-jacent de l’attachement. Nous analysons donc l’historique des relations et des dynamiques familiales de chaque patient pour en apprendre plus sur le type d’attachement dont il est question. Afin de personnaliser encore plus nos programmes de traitement pour répondre aux besoins particuliers de chaque patient, nous étudions également les éléments suivants :
- Traumatismes ou violences subies dans le passé : la majorité des patients venant traiter une dépendance sexuelle chez nous ont été victimes de violences ou de traumatismes interpersonnels (pas nécessairement liés au sexe)
- Troubles de l’utilisation de substance : la majorité des patients venant traiter une dépendance sexuelle chez nous présentent un trouble de l’utilisation de substance simultané
Notre objectif consiste à développer une compréhension profonde de la signification des comportements sexuels problématiques de chaque patient et de ce qu’ils indiquent. Cela ne nécessite pas de comprendre ces comportements sexuels selon une typologie standard. Nous considérons qu’une telle compréhension nous permet de concevoir le programme de traitement le plus efficace pour chacun en réduisant l’influence des préjugés culturels.
Aider les patients à retrouver le contrôle de leurs comportements sexuels
Les programmes de traitement de EHN Nouveau Départ Montréal sont conçus pour aider les patients à retrouver le contrôle de leurs comportements sexuels. Cela commence en les aidant à reconnaître et à admettre complètement les conséquences de leurs comportements sexuels problématiques. Ensuite, ils apprennent à identifier et à prévoir les situations dans lesquelles leurs comportements sexuels peuvent avoir des conséquences négatives. Nous enseignons également aux patients comment identifier les déclencheurs de leurs comportements sexuels problématiques et comment les résoudre par des techniques saines. Au cours du processus, nous aidons les patients présentant un trouble de l’utilisation de substance concomitant à comprendre comment celui-ci interagit avec leurs comportements sexuels problématiques.
Si possible, des cours et des thérapies de groupe sont réalisés en petits comités où les patients peuvent apprendre les uns des autres dans un environnement sans jugement ni honte. Entre autres, les activités suivantes aident les patients à reprendre le contrôle de leurs comportements sexuels :
- Établir une chronologie de leur dépendance qui leur permet de visualiser les évènements ayant eu lieu dans leur vie et comment leur dépendance sexuelle s’est développée
- Examiner et comprendre les croyances et les raisons qui soutiennent les comportements problématiques du patient
- Identifier quels comportements sexuels sont particulièrement problématiques pour chaque patient et desquels il devrait s’abstenir, peut-être indéfiniment
- Identifier les scénarios de rechute potentielle et concevoir des stratégies de mitigation
- Concevoir un plan de rétablissement et de suivi à long terme
Enseigner aux patients comment construire des relations saines et satisfaisantes
Nous considérons la dépendance sexuelle comme un trouble relationnel et de l’intimité. Notre programme inclut donc plusieurs composantes éducatives et thérapeutiques focalisées sur le travail interpersonnel, notamment la communication efficace, la création de relations et le développement de liens d’affection sains. Nos programmes pour la dépendance sexuelle mettent l’accent sur les relations interpersonnelles et les expériences, ils comprennent donc plus d’interventions comportementales sur place que nos autres programmes de traitement des dépendances et des traumatismes.
De plus, autant que possible, des cours et des thérapies de groupe sont réalisés en petits comités où les patients peuvent apprendre les uns des autres dans un environnement sans jugement ni honte. Entre autres, les activités suivantes enseignent aux patients comment bâtir des relations plus saines et satisfaisantes :
- Explorer et traiter ses traumatismes interpersonnels fondamentaux
- Apprendre comment nouer et renforcer des relations intimes saines et satisfaisantes
- Apprendre ce qu’est une sexualité saine et satisfaisante
Éléments des autres programmes de traitement
Les éléments suivants font partie de certains de nos programmes de traitement ou sont optionnels pour les patients :
- Pleine conscience, méditation, yoga
- Programmes personnalisés de nutrition et d’exercice physique
- Thérapie d’expression artistique
Le rétablissement complet demande plus de temps que pour d’autres dépendances
Un rétablissement complet de la dépendance sexuelle peut prendre trois à cinq ans après la fin d’un programme de traitement. De ce fait, la réussite à long terme dépend de l’engagement du patient à participer aux programmes de suivi et à travailler en continu sur lui-même après avoir terminé un de nos programmes de traitement résidentiels.
Nous pouvons vous aider!
Si vous souhaitez en apprendre plus sur les programmes de traitement proposés par EHN Nouveau Départ Montréal, veuillez nous téléphoner au 1 888 488-2611. Nos lignes téléphoniques sont ouvertes 24/7, vous pouvez nous appeler à tout moment.