« Prendre un verre de bière, mon Minou » : l’alcool et les drogues dans la culture populaire

En 1950, pendant le temps des fêtes, presque toutes les familles québécoises qui se réunissaient pour célébrer chantaient en cœur « Prendre un verre de bière mon Minou » de la famille Soucy. Et on enchaînait avec « Prendre un p’tit coup c’est agréable ». Le ton était donné : boire et avoir du plaisir allaient main dans la main.
De tout temps, le répertoire musical, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs, a regorgé de chansons qui font l’apologie de l’alcool, des drogues et d’un certain style de vie. Bien loin des histoires musicales légères de la famille Soucy, certains artistes décrivent crûment ce qu’on finira par nommer « le style de vie rock and roll ». Jetons un coup d’œil à l’histoire de ces chansons, mais surtout à l’impact qu’elles ont pu avoir sur des gens plus facilement influençables.
Alcool et musique
Est-ce qu’on parle beaucoup d’alcool dans la musique actuelle? La réponse est claire : une étude de l’université de Boston et de l’université John Hopkins démontre que sur les 720 chansons les plus populaires entre 2009 et 2011, 167 d’entre elles parlent de consommation d’alcool.
Les styles musicaux dans lesquels on retrouve le plus de références à l’alcool sont le Hip Hop/Rap et la musique Country. Évidemment, dans ces chansons on ne parle pas des effets négatifs d’une trop grande consommation d’alcool, mais au contraire on la glorifie. On associe l’alcool à la richesse, au sexe, au luxe, à la fête. Certaines marques d’alcool sont même étroitement liées à des artistes qui deviennent ainsi des ambassadeurs de marque, ce qui leur permet de contourner la réglementation concernant la publicité sur l’alcool. On constate donc que la musique peut devenir un élément de marketing au même titre qu’une publicité télé ou une annonce dans un magazine.
Le résultat de cet engouement envers l’alcool dans certains styles musicaux est qu’un jeune qui écoute de la musique toute la journée en bruit de fond pourra être exposé plus de 30 fois à des marques d’alcool directement associées à un mode de vie « cool ». Ce sont des chiffres qui feraient rêver les publicitaires! En effet, autant les jeunes rejettent massivement la publicité dite traditionnelle, autant ils sont susceptibles de vouloir s’associer à l’image de leurs vedettes musicale.
Cette communication insidieuse et ce lien entre alcool et fête prédisposent l’auditoire en quête d’appartenance à un groupe à une consommation abusive. Les jeunes se sentent dédouanés face à la consommation puisqu’elle est validée par leurs idoles. Malheureusement, cette propension à la consommation finit parfois par déborder du cadre social et deviendra, pour certaines personnes, partie intégrante du quotidien
Nous avons parlé de musique actuelle, mais le phénomène n’est pas nouveau, en particulier dans la musique Country. La liste des artistes ayant eu des problèmes de dépendance remonte loin dans le temps. On n’a qu’à penser à Hank Williams décédé très jeune après des années de dépendance à l’alcool et aux drogues, à Johnny Cash ou à Waylon Jennings.
Drogue et musique
Et la drogue, est-elle aussi présente dans la musique? Je vais répondre à cette question tout en écoutant « Cocaïne » d’Eric Clapton, « Lucy In The Sky With Diamonds » des Beatles, « Sister Morphine » des Rolling Stones, « White Rabbit » de Jefferson Airplane et « Heroin » des Velvet Underground.
Au même titre que pour l’alcool, la drogue est glorifiée et ses excès deviennent le but à atteindre. Les drogues et la musique forment une alliance qui ne date pas d’hier. Dès les années 20, la marijuana faisait intégralement partie de la culture Jazz, l’émergence du Rock and Roll et du rock psychédélique a vu une recrudescence de l’héroïne, des drogues psychotropes et des amphétamines. Les années 80 sont associés à l’explosion de la cocaïne, quant au Grunge des années 90 il nous familiarisera avec différents cocktails chimiques. À notre époque, il est pratiquement impossible de dissocier les raves et la musique électronique de la consommation de MDMA (la fameuse Molly) et de l’Extasy. Ce sont deux drogues euphorisantes qui amplifient la sensation de bien-être et de plaisir que l’on associe à ces grands évènements musicaux propices aux rapprochements et à une intimité entre participants.
Nous avons vu le nombre de fois où on peut entendre une référence à l’alcool pendant une journée d’écoute de musique, et la drogue n’est pas en reste : sur 22 heures d’écoute de musiques Rap/Hip Hop ou Pop, on peut trouver en moyenne une quarantaine de références à la marijuana (et beaucoup plus avec certains artistes!)! La grande différence est que, contrairement à l’alcool, aucun annonceur ne peut utiliser la musique comme élément de marketing!
Les vedettes de la musique ayant eu des problèmes de drogues sont extrêmement nombreuses, et malheureusement plusieurs ont connu des fins tragiques à cause de surdoses. On n’a qu’à penser au tristement célèbre Club des 27 regroupant des artistes morts de surdose de drogue ou d’alcool à 27 ans, comme Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, ou plus près de nous, Amy Winehouse. Cette mentalité de « live fast, die young » semble avoir un certain attrait pour un type de personnalité bien précis qui embrassera la consommation de drogue jusqu’à avoir des conséquences fatales.
Il ne faut pas croire que l’alcool et les drogues sont réservés exclusivement à la musique anglophone. Les francophones ne sont pas en reste, avec des titres comme « Je bois » de Boris Vian, « Jonquière » de Plume Latraverse, « El Ganga » des Frères à Ch’val, « Marijuana » de Mononc’ Serge et des centaines d’autres. Mais dû à un marché plus restreint, elles n’ont pas le même impact dans la culture populaire.
Le constat
Avec le nombre d’expositions via la musique à l’alcool ou à la drogue, et avec le style de vie qui y est mis de l’avant, on comprend facilement l’attrait et la déresponsabilisation de la consommation pour un jeune. Si on ajoute la possibilité de promouvoir l’alcool sans les balises publicitaires actuelles, c’est beaucoup de pression qui est mise sur un auditoire en quête d’identité et d’appartenance. Évidemment, on ne dit pas que la musique peut causer une dépendance à l’alcool ou à la drogue, ce serait complètement absurde, mais certains styles ou certaines chansons peuvent avoir un effet de renforcement dans un contexte bien précis.
Si vous êtes aux prises avec un problème de dépendance, ou si l’un de vos proches a besoin d’aide, n’hésitez pas à nous contacter. Nous sommes là pour vous aider.
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