Une histoire de résilience et de rétablissement
Par Jeff Vircoe
La résilience est essentielle pour atteindre et maintenir la sobriété. Shawn C., un ancien du centre de traitement Bellwood d’EHN Canada, en sait quelque chose.
Il en a appris beaucoup sur le chemin de vie tumultueux qui l’a mené jusqu’au centre de traitement du quartier Sunnybrook à Toronto. Même après avoir quitté le centre, il poursuit ses apprentissages.
Cela ne fait pas un an que Shawn s’est retrouvé, qu’il est revenu à lui, au centre Bellwood. Les années précédentes ont été difficiles, dès l’enfance, et entrecoupées de tentatives de sobriété. Il faisait un pas de l’avant, trébuchait et revenait à la case départ. Avant d’atteindre le point de non-retour, il a trouvé Bellwood.
Neuf mois plus tard, il est toujours sur la bonne voie. Il continue d’avancer, d’aider les autres et de s’aider lui-même.
Sa famille a joué un rôle essentiel pour qu’il obtienne l’aide dont il avait besoin
Shawn est arrivé à Bellwood l’été dernier, en plein cœur de la pandémie de COVID-19. C’était sa deuxième tentative officielle de traitement. Onze ans plus tôt, alors qu’il était à la fin de la vingtaine, sa famille l’avait convaincu de suivre un traitement après une décision presque fatale.
« J’ai essayé de faire entrer les gaz d’échappement dans la voiture et de m’endormir. Un voisin est venu à la maison et m’a trouvé inconscient. Il m’a sorti de là, m’a fait le bouche-à-bouche et a appelé l’ambulance. On m’a amené à l’hôpital », se souvient-il.
« Là-bas, ils m’ont réveillé. Toute la famille y était, en pleurs. J’ai dit d’accord, je vais me soigner. Je n’y avais jamais songé avant. Je ne voulais pas le faire, ça n’avait jamais fait partie de mes plans. Mais je me suis rendu directement à un centre de traitement. »
Aujourd’hui, il sait qu’il n’était pas prêt et qu’il ne le faisait pas pour les bonnes raisons. Il a tenu à peine trois semaines, a enfreint des règles importantes et s’est trouvé à nouveau dans les tourments de l’abus de substances.
C’était quelque chose qu’il connaissait bien. Élevé dans une région rurale du sud de l’Ontario, en partie par des grands-parents aimants et en partie par un père incapable de lui procurer la stabilité et l’attention dont il avait besoin, il s’est tourné très tôt, et souvent, vers les substances. Jeune adolescent, il s’est rapidement mis à consommer des substances pour se faire accepter par ses pairs. Il vendait de la drogue, était impliqué dans des bagarres et s’était fait une réputation dans son quartier et auprès de la police. Il a abandonné l’école secondaire après la 9e année. À travers tout ça, il y avait l’alcool.
« L’alcool est mon meilleur ami. Il l’est toujours. C’est juste que je ne lui ai pas parlé depuis un moment », dit-il aujourd’hui.
Une chute incontrôlable
Sa chute après le traitement a été fulgurante, comme il l’évoque dans ce qu’il appelle ses « moments forts ». Le pot a ouvert la porte aux drogues chimiques, qui ont fait place à la cocaïne et au crack, puis, éventuellement, à l’opium, au fentanyl et à l’héroïne.
« Je suis un travailleur de la construction, alors vous savez comment je bois : soit on prend quelques bières après le travail, soit on trinque au whisky le week-end, n’est-ce pas? À la fin, il me fallait toujours quelque chose. J’avais besoin de beaucoup de dope pour pouvoir tenir le coup avec la cocaïne. Mais ça me prenait des quantités immenses pour garder la tête hors de l’eau. Après, j’avais besoin d’une bonne dose d’alcool fort, comme du whisky ou de la tequila, pour rester au même niveau. Et il me fallait suffisamment de bière pour tenir jusqu’au bout de la nuit. Ma consommation n’avait plus de limite à ce moment », raconte-t-il.
Shawn a toutefois appris une chose importante en suivant un premier traitement. Ce vieux dicton dans les groupes de rétablissement, selon lequel les réseaux d’entraide comme les Alcooliques anonymes ou les Narcotiques anonymes vont nuire à vos habitudes de consommation d’alcool ou de drogue, s’est montré vrai dans son cas.
Le rétablissement prend racine
« À mon avis, une fois que la graine est plantée, elle est plantée, explique-t-il. Une fois que tu assistes aux réunions… Une fois que tu t’imprègnes un peu du Gros Livre, je crois sincèrement que tu ne consommeras plus jamais de la même façon. Tu n’y trouveras plus jamais le même plaisir. Tu dois devenir sobre, parce que c’est dans ta tête. C’est enraciné. Tu le sais que c’est mal. »
Au début de la trentaine, il a donc recommencé à assister à des réunions. Il a cumulé un mois de sobriété ici et là. Il est tombé amoureux et a eu une fille. Son style de vie n’étant pas propice à maintenir la sobriété, sa relation n’a pas duré. Il est retombé amoureux. Passionnément. Pendant les sept années qui ont suivi, lui et sa conjointe ont tous les deux essayé de rester sobres, mais ils ont fait des va-et-vient. Lorsqu’ils étaient en rétablissement, tout allait pour le mieux. Ils suivaient tous les deux leur programme, ils faisaient du bénévolat dans des refuges, ils contribuaient à leur communauté. Leur histoire d’amour était passionnelle; leur parcours de rétablissement était tortueux et rempli d’embûches.
Au printemps dernier, une ultime rechute a emporté sa conjointe. Des familles ont été anéanties. Sobre depuis près de deux ans, Shawn n’a pas pu supporter le deuil et a sombré une fois de plus.
« Je ne suis pas rentré pendant sept à dix jours, puis je me suis pointé au travail couvert de sang et empestant l’alcool. Ils m’ont dit : “Tu t’en vas en traitement, mon gars.” », se souvient-il.
Au bout de la route, un nouveau départ
En juillet 2022, un mois après le décès de sa conjointe, Shawn a abouti à Bellwood. Aussi bouleversé émotionnellement, mentalement et spirituellement qu’il pouvait l’être, « j’étais prêt à faire un essai pour tous ceux qui m’ont permis de me rendre jusque-là », admet-il.
« Je n’arriverai pas à raconter ça sans pleurer », dit-il en secouant la tête. « J’étais prêt à tenter le coup parce que je pouvais la sentir. Elle était partout et je le sentais. Je savais que c’était ce qu’elle aurait voulu. »
Il est resté sobre depuis.
Son séjour à Bellwood a duré 48 jours. C’est là qu’il a enfin posé le lourd fardeau qu’il portait depuis les années traumatisantes et difficiles de son enfance, les années effrayantes et tumultueuses de sa consommation de substances. Il a fait face à son passé et à son présent, et il a commencé à vivre son deuil.
À la rencontre de gens compatissants
Shawn a de nombreux souvenirs des personnes qui l’ont aidé à se prendre en main à Bellwood.
« Quand je suis entré à Bellwood, on m’a accueilli à la porte avec la plus belle fille que l’on puisse imaginer. Je ne parle pas que de son apparence. C’était son aura. Sa présence. Elle était tout simplement merveilleuse. Et la deuxième aussi. Elles vous faisaient vous sentir bien », dit-il, presque timidement.
La COVID-19 continuait à faire des ravages partout dans la province. « Je suis monté à l’étage (en isolement) pendant quelques jours, raconte-t-il. Je suis atteint de TDAH, donc ça ne m’allait pas trop. Ils m’ont dit que je pouvais avoir une guitare, alors ils sont descendus et m’ont rapporté une guitare. Ils m’ont aussi apporté des poids pour m’entraîner. Ça n’a même pas duré trois jours. Je me suis retrouvé dans une pièce avec deux ou trois autres gars, et j’ai commencé mon cheminement. »
En assistant à divers cours et séminaires, il a appris la vérité sur le trouble lié à l’usage de substances et sur les solutions fondées sur des données probantes qui peuvent être utilisées pour le combattre.
« Je me suis mis à porter attention dans les cours. La thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie comportementale dialectique, le traitement des traumatismes, les concepts pour gérer les risques de rechute… J’absorbais tout ça », dit-il en souriant.
Surtout, il a compris l’importance de créer des liens avec les autres pour réussir à s’en sortir sans rechuter, en particulier dans les premiers jours, les premières semaines et les premiers mois.
« Ils essayaient de m’aider à avancer. Parce que je n’allais pas demander de l’aide moi-même, n’est-ce pas? J’avais trop de fierté, trop d’ego. Mais ils ne m’ont pas abandonné. Il y avait quelques intervenants, ce n’étaient pas mes intervenants, mais ils m’ont accompagné pour une raison ou une autre. Il y en avait une, Joanne… Quand elle passait dans le couloir, elle prenait le temps de me dire : “Shawn, desserre ta mâchoire.” “Shawn, prends une grande respiration. Tu ne respires pas.” Et je m’arrêtais pour respirer. »
Le processus de deuil a été difficile et l’est toujours, même s’il a appris à mieux le vivre qu’à ses débuts.
« Je ne savais pas encore comment pleurer, admet Shawn. Ça devenait tellement intense que j’en avais mal physiquement. Je devais frapper un arbre ou me blesser, pas en me coupant ou autre, mais je devais me blesser physiquement pour que ça commence (les larmes) et que ça se libère, vous comprenez? »
Neuf mois seulement se sont écoulés depuis. Aujourd’hui, il se reconstruit. Il travaille fort, mais prend le temps de s’amuser. Il vit son deuil. Il devient la personne qu’il a toujours voulu être.
Gratitude et résilience
Alors que la semaine de relâche offre chaque année l’espoir d’une période plus chaude et plus douce après un autre hiver rigoureux, Shawn joue dans la neige avec quelques enfants dans les collines des environs de Barrie, en Ontario. Sa fille de 8 ans rigole, le fils de sa défunte conjointe s’amuse aussi. Certes, la situation n’est pas forcément idéale : sa fille habite à sept heures de route aller-retour, tandis que le garçon réside de l’autre côté de la ville, chez ses grands-parents.
Mais pour aujourd’hui, le trio vit un moment de gratitude et de joie. Entre les rigolades et les boules de neige, les joues rouges et les dents blanches, Shawn poursuit son rétablissement.
Il continue à faire preuve de résilience.
Il a choisi un parrain qu’il surnomme affectueusement Ned Kelly, pour son approche directe. Il conduit les nouveaux aux réunions, répond à leurs appels téléphoniques, les guide à travers le Gros Livre, celui-là même qui a perturbé sa consommation d’alcool. Il travaille comme charpentier sur le réseau de transport Go Line à Barrie, et il vit avec deux amis proches qui sont en rétablissement depuis plusieurs années. Surtout, il reste reconnaissant de son séjour à Bellwood.
« Comment dire? Tout ce qui devait arriver là-bas est arrivé. Il suffit d’être prêt et ouvert à ça. Ils m’ont donné tout ce dont j’avais besoin, même si ça me rendait fou et que je les rendais fous », dit-il en souriant.
« Je suis resté en contact avec 35 ou 40 personnes avec qui j’étais là-bas. On se parle, on se rencontre, on se dit qu’il faut aller prendre des nouvelles de telle ou telle personne parce qu’on est dans des villes et des provinces différentes. »
Il sait au fond de lui qu’il est sobre grâce aux personnes qui ont cru en lui, celles qui sont toujours là comme celles qui ne sont plus là.
« Je ne serais pas passé au travers, et il y a tellement de gens qui n’ont pas ça », dit-il doucement.
Si le lien social est le contraire de la dépendance, comme plusieurs le croient, alors Shawn fait sa part. Il continue à faire partie de la solution. À faire preuve de résilience.
« J’essaie de nouer des liens avec toutes les personnes que je peux. Si je peux aider quelqu’un grâce à vous, à cette histoire, un truc comme ça, c’est très bien. J’ai encore beaucoup de travail à faire », conclut-il.
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